ALGERIE : Rallye des colombes Mai 2004
Les photos sont en attente de scannage…
A/ Avant le rallye
1/ Premier contact
Mai 2004. J'ouvre la boite à mail et je tombe sur un mail de Morhand, que je ne connaissais absolument pas.
"Tout d'abord bravo pour votre site super dynamique. Je suis moi-même formateur moto depuis 22 ans et je roule depuis l'age de 16 ans .ça fait trente ans de bécane. Je me permets de vous contacter car dans le cadre d'un rallye que nous organisons, nous recherchons des motardes. C'est un rallye exclusivement féminin avec cette particularité exceptionnelle et je pèse mes mots, qu'il se déroule en Algérie. Je vois vos yeux s'arrondir, 'ALGERIE? Oui sachez qu'il ne se passe plus rien en Algérie depuis des années. C'est dans ce cadre de la renaissance à "la vie normale" que nous organisons ce rallye auto- moto. C'est une deuxième édition. Actuellement nous avons 70 équipages auto (50 nationales et 20 internationales dont 8 françaises. Et des motardes dans ce rallye feront une sensation extraordinaire. Des médias internationaux sont invités pour cet événement exceptionnel. C'est une course de régularité avec road book, ouverte à toutes les motardes. Ce n'est pas un canular, je vous laisse en pièce jointe le communiqué de presse et le déroulement de l'épreuve, ainsi que l'adresse de mon site ou vous pourrez avoir d'autres renseignements. Vous êtes les bienvenues et votre présence illuminera ce rallye d'exception. Je vous laisse mes coordonnées personnelles. Je réside en région lyonnaise et je suis le représentant de la fédération algérienne des sports mécaniques."
2/ Un rêve qui devient réalité
L'Algérie!! Un rêve que j'ai depuis toute jeune, depuis que je suis le Paris Dakar. Et on me propose d'y aller. Je n'y crois pas vraiment. J'y vais, je n’y vais pas? J'avais promis à Marie Do d'aller à la N.C., concentre des motards frmistes, le bizarre était déjà acheté et le chèque dans l'enveloppe prêt à partir. J'hésite... J'en parle aux trapanelles, aux wedeurs et tout le monde me dit de foncer, de saisir cette occasion qui ne se renouvellera peut être jamais. Si je ne pars pas, je risque de le regretter toute ma vie. Et puis 400 euros, ce n’est pas cher. Ca tombe bien, je suis en vacances et y'a le fric sur le compte en banque. J'envoie donc le chèque et me voila inscrite. Stéphane, le fiston de Mydreamy est partant aussi pour être accompagnateur. Ca me rassure un peu. Je sais qu'il sera là en cas de grosse galère et que si je dois abandonner à cause de la circulation, je pourrai compter sur lui. Mydreamy aussi me dit de foncer à condition de faire un CR d'enfer. Stéph contacte Motomag pour lequel il a déjà écrit des articles et sera journaliste sur place. Il aura la possibilité de suivre le rallye en moto. Cool!!!
3/ Les préparatifs
Le 13 mai, je suis en vacances. J'ai le visa à faire à Lille et ce en deux jours car je prends la route le lundi. J'arrive au consulat algérien. Blême. Il me faut les billets d'avion que je n'ai pas. Coup de fil panique à Morhand. Heureusement, il était là et a envoyé rapidement un fax qui a réglé tous mes problèmes. Le lendemain, j'avais mon passeport prêt au départ avec le visa qui va bien dessus.
Dimanche, avant de partir, je fais quand même un encadrement de course avec le DR et je reviens par toutes les petites routes viroleuses. Je m'entraîne à bien prendre les trajectoires, le plus vite possible. Si je vais là bas, ce sera pour gagner.
B/ Le trajet : lundi 17 et mardi 18 mai 2004
1/ La route aller : Valenciennes/ Langres
Lundi matin, chargement de la pétasse avec l'équipement qui ira bien pour le rallye : mon casque intégral, le blouson renforcé que m'ont offert les wedeurs, un jean en cuir et mes boots de moto offertes par notre assoc de motards Adenord, plus quelques fringues.
10 heures du mat. La moto est prête je peux partir vers Langres où je vais passer la première nuit chez ma tante. Pas envie de prendre l'autobeurk et je me fais la route cool par les nationales et départementales. Je suis les itinéraires verts. Je tente de respecter les limitations de vitesse tout en me faisant chier grave à 50... Sortie du village de La Capelle. Longue ligne droite où y'a rien. Je remets un peu les gaz et paf… Les flics bien planqués sur le coté de la route. Même pas vu!! Coup de sifflet, arrêt sur le bas coté. Et merde!!! Excès de vitesse : 72 Kms/h au lieu des 50 réglementaires. Pas de contestation possible. Je reconnais les faits tout en me disant que tout FRM allait se foutre de ma tronche!! 90 euros d'amende à payer dans les trois jours et un point en moins. J'explique que ça va être dur d'aller chercher les timbres et tout le bordel car je pars à l'étranger. Je peux donc payer en liquide avec un joli petit reçu à garder un an. Pas le choix, ce sera ça en moins coté souvenirs à ramener car le budget est court. Je reprends la route cette fois à 50 et pas un kilomètre de plus. Pas envie d'exploser le compte en banque. Et y'avait au moins trois autres contrôles de vitesse sur ma route. J'arrive vers 17h près d'Arc en Barrois où je récupère les clés de la maison. Soirée cool à bouquiner et surtout à penser au surlendemain.
2/ La route aller : Langres/ Lyon
Mardi, départ pour Lyon où je dois déposer la moto et trouver mon hôtel réservé par Morhand. Je passe par les petites routes et à 20 bornes de Lyon, l'autoroute après avoir téléphoné pour demander la sortie. Pas moyen de trouver l'A7 et j'ai du me taper le périph de Lyon du coté est, sud, nord… Bref, j'étais à 20 bornes et j'en ai fait 70!!! Par hasard, j'arrive du coté de l'hôtel où je m'arrête. Je pose les sacs. Morhand et Mouloud qui partent avec moi et qui sont dans l'organisation viennent boire un pot et voir si je suis bien installée. J'avais donné rendez vous à Grizzly à 18 h devant la mairie d'Oullins puis j'avais annulé le rendez vous pour le changer mais il était déjà parti de Clermont juste avec quelques infos : hôtel aux 7 chemins.
17h50... Pas de Grizzly à l'horizon, un doute... Pas moyen de l'avoir au tel. Il est peut être allé direct à Oullins. La moto ne doit pas rester à l'hôtel. Je pars donc la bas et je me repaume dans Lyon!! Ça va donner au rallye si je ne suis même pas foutue de me retrouver dans une ville française!!!
18h20, je suis enfin devant la mairie mais pas de Grizzly. J'avais quand même laissé un message avec mon tel à l'hôtel et il m'appelle. Il a attendu et est parti 5 minutes avant mon arrivée. Rencard est donné direct à l'hôtel pour aller retrouver fiston à Lyon le soir. J'appelle Morhand et on pose direct la moto dans son garage. Elle est bien là bas et ne bougera plus avant samedi.
Petite soirée sympa avec Stéphane qui est lui aussi arrivé à Lyon et ses amies. On parle du rallye et la pression monte. J'avais fait aussi connaissance de Juliette, une motarde toute jeune permis qui s'est lancée aussi dans l'aventure accompagnée par son père, motard aussi. Chapeau!!
Le rendez vous est pris pour le lendemain à l'aéroport de Lyon. L'avion décolle vers 13h40 et on y sera à 11h30.
C/ Mercredi 19 mai : veille du rallye
1/ Alger
Retrouvailles avec Stéphane et l'équipe d'organisation à l'aéroport, ainsi que les autres concurrentes auto et moto. Décollage de l'avion avec une petite heure de retard et atterrissage à Alger en fin d'après midi.
Je revois encore la tête de Stéphane qui regardait à l'extérieur de l'avion et qui ne voyait pas la piste d'atterrissage. On avait l'impression qu'on allait se poser sur le toit des immeubles d'Alger. On est enfin arrivés nickel. Récupération des sacs, passage aux différents contrôles et accueil dès la sortie de l'aéroport par la secrétaire du club féminin automobile d'Alger. On a eu le programme des trois jours.
Un bus nous attendait et on a du aller de l'autre coté d'Alger où se trouvait notre hôtel. Panique en voyant la façon de conduire, la circulation et les bouchons. Envie d'abandonner là ce rallye car je ne me trouvais pas capable de conduire sans en renverser au moins trois qui m'auraient doublée par la gauche ou par la droite sur la bande d'arrêt d'urgence. Des piétons se baladaient en plein milieu de l'autoroute. Bref, la folie!!! Et les caisses qui zigzaguaient à fond au milieu de tout ça. Les queues de poissons étaient fréquentes. La sécurité routière est un mot inconnu là bas. Mais qu'est ce que je fous là??? Et va falloir courir en bécane demain??? Ca va être chaud!!!! Heureusement, en Algérie, le jeudi est comme un samedi chez nous et le vendredi comme un dimanche. Les WE sont décalés. Ca risque d'être plus calme au niveau circulation.
Arrivée à l'hôtel à Zeralda. Superbe complexe avec piscine. Ce n’est pas une chambre qu'on a eu mais carrément un appartement, une suite!!! J'ai pris la chambre du bas avec le salon, Steph la chambre du haut. A peine le temps de poser les sacs qu'il fallait déjà aller au briefing et au contrôle technique.
2/ Briefing et contrôle technique
Pour le briefing, on est toutes ensembles dans la grande salle de l'hôtel. On a les indications pour le rallye, les temps et le principe des rallyes de régularité. La championne du Maroc est là ainsi que les gagnantes de l'année précédentes.
Les filles en caisse ont déjà tous les calculs de fait. Ce sont des pros par rapport à nous motardes.
Les personnalités sont présentées : le président de la fédération algérienne des sports automobiles, le président de la fédération maghrébine des sports automobiles, la présidente du club féminin qui organise ce rallye.
Le programme des deux jours suivants nous est donné aussi. La remise des prix se fera le vendredi vers 16h après avoir visite la kasba à Alger.
Pour le lendemain, on doit être à 8 h au départ et les premières voitures partiront à 9 heures, les motos suivront. Le tirage au sort est effectué.
Sylvie part en premier, suivie de Juliette, puis moi et Pascale. Départ toutes les minutes. Et donc arrivée toutes les minutes. Je partirai à 9h48 avec une arrivée prévue à 11h18, pour l'aprem, ce sera 15h48 et arrivée a 17h58.
Les voitures étaient toutes là, pas mal de caisses de location hyundai qui sponsorisait le rallye. Je cherche les motos et les vois, toutes les 5 garées.
Au choix : une africa twin 750, une BMW 80, une 900 bol d'or d'origine, une 1200 FJ et une autre avec police sur les sacoches qui sera celle de Stéphane ou plutôt celle où il sera embarqué par un champion national de moto cross : Medge.
On se retrouve les 4 motardes avec les propriétaires des motos. Celles ci sont des motos prêtées par des particuliers appartenant à la fédé. Elles seront assurées pour le rallye...
Medge et Malik s'occupent de la répartition des bécanes. Moi qui roule en France avec le DR aurais la 750 africa twin. En plus, elle est assez haute et ça colle aussi avec ma taille.
Sylvie qui roule en ducat aura la seule européenne.
Pascale se retrouve avec la 1200 FJ.
Juliette, nouveau permis sera avec le 900 bol d'or.
Les trois autres filles ont un dérouleur de road book, moi, j'ai juste embarqué une pochette porte carte VTT en plastique et j'ai le trip master sur la moto. Ca devrait se faire à condition de réécrire complètement le road book sur une page car je ne me vois pas tourner les pages tous les 2 kilomètres.
On nous offre à chacune notre numéro de participation à coller sur la moto. J'aurai le numéro 1 en espérant qu'il me portera chance. On doit aussi coller tous les autocollants des sponsors et y'en avait pas mal. J'ai attendu le propriétaire pour le faire de peur d'abîmer la peinture qui était nickel.
Les sponsors étaient hyundai, oriflam, le journal le soir, djsl, goo dyear, marionnaud, tissot, destination dunes, hamoud boualem, caat, sonatrach, raily tech et d'autres encore dont j'ai du mal à lire les noms en arabe. La moto est prête, décorée de partout.
Oups, je pense que demain, va falloir assurer, moi qui pensais juste partir en balade cool et sympa sans trop forcer. Et je me retrouve là avec des pros. Les deux motardes sudistes font partie du moto club zone rouge, font de la piste et l'une des deux a fait le moto tour de cette année. Ca risque d'être dur mais à ce qu'il paraît que ce ne sont pas les plus rapides qui gagnent... En tant que tortue lopette, j'aurai peut être ma chance???
Dans le sac, on a également une affiche du rallye qui est déjà accrochée chez moi et une étiquette pilote à garder sur nous. On nous offre également 1000 dinars de prime de départ. Cela nous permet de faire les pleins d'essence. L'africa est déjà full avec la révision faite. La pression des pneus est OK. Les clignos et freins aussi. Idem pour l'éclairage. Il me manque juste le rétroviseur droit mais je ne m’en sers pas.
3/ Le road book
Je découvre également le road book, petit carnet composé de 14 pages pour l'étape du matin et de 17 pages pour celle de l'après midi. Coup d'œil avec le motard de l'africa. On relit le tout ensemble, en notant les piéges. Finalement, je me rends compte qu'il y a pas mal d'éléments où les tout droits sont indiqués. Si je refais le road book, je supprime tout ça, ainsi que les dangers style dos d'âne ou sorties de camions. Pas besoin de s'encombrer de ça. Je ne vais noter que les changements de direction et le kilométrage qui va avec et pour le reste, ce sera gaz tout droit sans chercher à comprendre…
Le principe du rallye est simple : c'est un rallye de régularité où il faut garder toujours la même moyenne. Il se passe sur routes ouvertes à la circulation avec des traversées de villages où il faudra faire gaffe. Il y aura pas mal de piétons et de caisses sur le trajet.
La première étape comporte 92 kms 400 à faire avec une moyenne de 61kms/h soit en 1h30, la deuxième étape de l'après midi comporte 130 kms 700 à faire avec une moyenne de 59 kms/h. soit en 2h13 Ca me parait difficilement jouable dans la mesure où sur longues routes en passant par les départementales, je compte toujours une moyenne de 50 que je tiens. Ca en fais quand même 10 de plus que mon allure habituelle. Va falloir dropper si je veux arriver dans les temps.
C'est le gros flip de la veille. Les filles veulent le faire à 4 ensembles. Pour ma part, ça ne me tente pas. J'ai l'habitude des roads books avec les rallyes cartos que je fais dans la région et surtout les WEDs où je me casse la tête tous les deux mois à en écrire. Mon expérience sur le raid des 1001 pistes m'a appris aussi à rouler à l'étranger dans des conditions de conduite parfois difficiles. Et le fait d'avoir fait quelques années d'encadrement médical sur les courses pédestres et cyclistes m'a appris aussi à rouler vite et en zigzagant entre les coureurs. Bref, je préfère le faire en solo même si j'arrive deux heures après le temps normal. A ce moment là, je ne pensais pas à la gagne mais plutôt à assurer et à ramener la moto intacte sur l'arrivée.
4/ Première soirée
On quitte les pilotes et les motos, les
clés dans la poche et on va au repas suivi d'un thé. Il
est tard déjà. On est crevés mais faut encore
bosser. Avec Stéphane, on s'installe au salon de notre chambre
et on étudie le road book. Je l'écris finalement sur
une seule page pour le matin et une autre page pour l'aprem. Ca
tient. C'est nickel car pas de changements de feuilles à
faire. Il me suffit juste d'apprendre par cœur les premiers
kilométrages et à chaque
changements de direction
retenir en vitesse les deux ou trois kilométrages suivants.
Pour le temps, 61 et 59 par rapport à 60, y'a que très peu d'écart. Il faudra donc que je compte un kilomètre pour une minute et me baser la dessus. Je ne devrais pas être à trop de pénalités si je me tiens à ça pour les contrôles secrets. Il y en aura 4 en tout plus les deux de l'arrivée. Va juste falloir faire gaffe à un truc : 1km5 sera équivalent à 1mn30 et faudra réajuster régulièrement.
Minuit.. Il est temps d'aller dormir, faire une bonne nuit pour entendre le réveil sonner à 7h du mat et être parée pour le lendemain..
C/ Jeudi 20 mai 2004 : la rallye des colombes
1/ Les préparatifs de départ
7 heures du mat. Les deux portables sonnent en même temps. La nuit a été très courte. L'appréhension de la course, l'énervement, les doutes... Bref, réveil très difficile.
7h45, on arrive au petit dej, déjà tout équipés avec les casques à la main et les blousons de moto. Je commence déjà à crever de chaud sous le jean en cuir et je maudis la sécurité routière. J'avais mis aussi le superbe tee shirt rallye des colombes que Morhand nous avait offert.
Même pas eu le temps d'avaler un café, un jus de fruit que la présidente arrive et nous dit de nous dépêcher car le rendez vous est à 8h mais dans un autre hôtel.. On avale un croissant en vitesse juste histoire de ne pas partir sans rien manger et on speede pour aller sur les motos.
L'africa démarre au premier coup de démarreur et sans starter!! Un motard la tire par l'arrière pour la dégager des starting block. On attend que toutes les filles soient prêtes et Medge passe en tête avec Steph en SDS. Juste une précision : la moto sur laquelle est assis Steph est une monoplace et sans les repose pieds ! ! !
2/ première confrontation avec la conduite locale
Première étape : la station essence et premier contact avec la circulation algérienne. Ça va, ça roule cool et tranquille. Y'a pas grand monde sur les routes. Faut quand même faire gaffe aux piétons et aux caisses. Je suis partie cool en dernière position, histoire de me faire un peu la main à l'africa. Heureusement, Manjlaboue m'avait déjà prêté la sienne lors d'un WED et je connaissais un peu la bête.
3/ le lâcher des colombes
Arrivée un peu à la bourre au point de départ, dans un autre hôtel et la c'est l'ambiance des rallyes et des courses. Du monde partout, les motards sont là aussi. On doit poser plusieurs fois à coté des motos pour les photos souvenirs.
Juliette est appelée pour le lâcher des colombes. Chaque femme des différents pays en tient une dans la main et toutes doivent les lâcher en même temps.
Différents pays sont représentés : l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Jordanie, et la France. Les colombes s'envolent toutes en même temps et la course peut commencer.
4/ L’étape du matin : Zeralda/ Cherchell
9h : départ de la première caisse et les autres suivent une par une. Les spectateurs sont là et encouragent les pilotes.
Certaines démarrent cool, d'autres à donf. Le ciel commence à se couvrir. Il ne nous reste qu'à peine une demi heure avant le départ des motos et une grosse averse débarque sur Alger. Mon célèbre nuage m'aurait il retrouvée?? Les algériens n'en reviennent pas. Malik nous dit que ça n'est pas possible, que ça fait des années qu'il n'a pas plu sur Alger en mai, que ça n'est pas normal. Je ne sais pas pourquoi mais avec Steph, on éclate de rire. On tente d'expliquer l'histoire de mon nuage. Mais y'a pas le choix, va falloir faire le rallye sous la flotte, juste question d'habitude pour ma part!! Je roule très rarement sous le soleil ! ! !
Les gouttes se font tout de même de plus en plus fines, juste assez pour nettoyer la visière encore pleine des moustiques de l'avant veille. Ca y est, c'est notre tour. Il ne reste que deux ou trois voitures. Pascale et Juliette sont déjà en place. Je me mets derrière elles.
9h46, la première moto part... Les minutes suivantes sont les plus longues de ma vie.
9h47, la deuxième part. Je me mets en place. Une minute à attendre avec les photographes qui sont là, les encouragements des spectateurs. Faut que je me concentre. Dernières vérifs. Le compteur est à zéro, le chrono est à zéro lui aussi. Je regarde le road book, celui que j'ai refait. Je dois partir tout droit et au rond point dans 700 mètres à droite. Au T à droite direction Alger Tipaza. Gaffe dans 4kms 400 car je devrai prendre une entrée d'autoroute.
10, 9... Oups, ça va être à moi. C'est mon décompte de secondes. J'enclenche la première. 8, 7, 6, Relecture rapide du road book. Rien oublié? 5, 4, main prête à lâcher l'embrayage, l'autre prête à accélérer... 3, 2, je regarde autour, personne sur ma route. 1, 0.... Yeep. Je démarre et en moins de trois secondes, je me retrouve à 60 kms/h.
Je passe les dos d'ânes debout sur les reposes pieds. Le rond point, je regarde le compteur. Et merde, dans ma hâte, j'ai oublié de le faire démarrer. Tout est encore à zéro, compteur et chrono. Vite j'appuie dessus. Bon, y'a 700 mètres d'écart et en gros 45 secondes. A moi de ne pas les oublier dans mes calculs.
J'arrive au rond point, je ralentis. Cool, y'a les flics qui sont là et me font signe de passer. On dirait qu'ils bloquent la circulation. Je tourne à droite puis encore à droite. Pas de blêmes pour le moment. Y'a rien de bien compliqué. Je peux maintenant rouler sur quasiment 4 bornes. Y'aura pas de contrôle secret tout de suite, trop tôt. Je peux gagner des minutes et accélérer. On ne sait jamais si je me plante dans le road book. Je double le 900 bol d'or et lui fais signe de me suivre.
On doit prendre l'entrée d'autoroute à gauche. Y'en a une mais qui ne correspond pas au kilométrage. Ca ne doit pas être ça, je continue et vois revenir la première moto à gauche qui s'était trompée. La police est là pour nous indiquer la bonne entrée. On a deux bornes à faire là dessus. Je reste sur la file de droite. Déjà pour ne pas rater la sortie et pour bien me mettre au point sur la conduite en Algérie. Ca va; les sorties sont bien indiquées. On part direction Blida Oran puis encore à droite direction Kolea.
7km6, je devrai tourner à gauche direction Blida Oran. Je regarde le road book tout en conduisant. 12km400 à droite toujours les mêmes directions et au stop tout droit. Toujours tout droit jusqu'au km 26.700. Ca va, y'a 14 bornes à rouler sans faire gaffe au road book. Je regarde tout de même le compteur régulièrement. Il ne faudrait pas dépasser le kilométrage.
J'en profite pour essayer de caler mes minutes et mes kilomètres. Je suis à 19 bornes et 15 minutes. Je dois rattraper les kilomètres avec mes minutes. J’accélère et l'écart se creuse. Pas moyen de synchroniser les deux. Ben oui forcément. Plus j'accélère, plus les kilomètres augmentent et plus y'aura d'écart entre le temps et la distance. Je suis trop rapide et va falloir ralentir.
Pas facile de faire des maths tout en roulant!!! Je fais les calculs dans ma tête tout en surveillant la route. 30 secondes font 500 mètres. A 26km 300, je dois tourner à gauche. Ça fait combien de minutes ça? Ca doit tourner dans les 26 minutes un tiers donc 26 minutes 20 secondes.
Ca y est. J'ai enfin recalé les bornes sur le chrono et on attaque les petites routes. Faut tenir la moyenne de 61 maintenant. Les premiers virolos sont des trucs qui enroulent bien. Les autres motardes sont passées devant puis derrière puis devant. On est à quatre. Faut pas que je suive bêtement. Faut que je gère mon temps et mes kilomètres sans m'occuper des autres. Pour le moment, je suis nickel ou presque car je m'embrouille encore avec les 700 mètres de départ.
Y’avait un contrôle secret dans le coin des trente bornes que j'ai vu après sur la feuille résultats. Je devais passer devant à 10h18mn06s et je suis passée à 10h18mn 03s soit 3 secondes de pénalités à ce moment là. Mais ça, je ne le savais pas encore. Pascale a eu 58 secondes de pénalité, Sylvie 2 minutes et Juliette 1mn04 secondes.
On arrive sur les petites routes de montagne. Medge et Steph sont devant et ouvrent la route pour nous quatre. On ne tient pas les 61 à l'heure. Juliette est débutante et les deux autres l'attendent. Je double Steph qui me bouchonnait… Apres le km 36, je devais prendre à droite. Pas d'autres indications sur le road book. Y'a une route qui part à droite. C'est celle là ou non? Y'a une caisse en travers. J'arrête. Je ne sais plus. Les minutes défilent.
Et merde!!! Medge, Steph et les trois
autres motardes arrivent. C'est
tout droit. Je les suis. On prend
à droite dans le village puis à gauche devant la poste
que je n'ai pas vue. Faut que je me recale sur le road book. A 43km80
ce sera à gauche direction Sidi rached Hadjout, ville par
laquelle on doit passer. Cool, ça y est, je suis retrouvée.
Reste à recaler les minutes car y'a du retard.
Medge est devant suivi de Sylvie, puis
Pascale, moi et Juliette. On trace, on double les caisses qui sont
sur le parcours. Les minutes se
rattrapent lentement mais
sûrement.
Deuxième contrôle secret. Je devais passer à 10h59mn01s et suis passée avec du retard à 11h02mn 09s soit 3mn08 de pénalités. Pascale a eu 2mn02, Sylvie : 5mn01 et Juliette 4mn24.Total des pénalités au deuxième contrôle : moi : 3mn11, Pascale 3mn03, Sylvie : 7mn01 et Juliette 5mn28
Le reste de la route est fait pour tracer et rattraper le temps perdu. Donc on trace. On arrive près de Cherchell avec un peu trop d'avance car mon compteur indique déjà 90 kms. Je ralentis et laisse partir les autres. Malik est à coté de moi et me dit qu'il reste encore au moins 10 bornes. Quoi? Dix bornes à faire en moins de trois minutes!!! Je mets plein gazz. Compteur à plus de 93 kms. Ca ne colle pas avec le road book. Et merde, j'ai dépassé l'heure à laquelle je devais arriver!! Je n'aurai jamais du ralentir autant!!
Mon compteur d'africa n'était pas étalonné au départ. Va falloir que je gère ça aussi en plus cette aprèm et j'avais oublie dans ma hâte la minute de retard du départ, c'est ce qui m'a sauvée au niveau du temps de l'arrivée..
Arrivée à 11h19mn03 au lieu de 11h18mn53 et je me prends juste 10 secondes de pénalités. Ça aurait pu être pire ! ! !
Fin de la première étape. J'en suis à 3mn21 de pénalités, Pascale à 4mn 14, Juliette à 6mn23 et Sylvie à 8mn04. Les résultats n'étaient pas encore donnés et je ne pouvais que spéculer sur la place. Je pensais avoir juste 1mn30 à la fin plus les contrôles secrets qui m'étaient inconnus. Dans ma tête, je pouvais gagner si j'assurais le road book de l'aprem.
Faut que je gagne cette course. Ne serait ce que par défi personnel et puis je n'aime pas perdre.. Faut toujours que je fasse plus fort. Et Steph m'avait lance un que de la gueule d'être en prems sur le podium. Les wedeurs aussi m'avaient dit que de la gueule. Un mot à ne jamais me dire et qui me fait faire toutes les folies. Je ne savais pas encore à ce moment là que j'avais déjà la première place de l'étape du matin.
5/ Le midi à Cherchell
L'arrivée à Cherchell s'est fait sous les applaudissements de la foule. On est allées garer les motos sur le parking réservé avant d'aller manger. Le spectacle était impressionnant : toutes les voitures et motos avec tous les autocollants des sponsors sur un immense parking fermé. Nous avons du passer entre des barrières au milieu d’une foule dense.
Nous avons été emmenées par des minis bus dans la salle de la mairie où se déroulait le repas. Notre bus s’est d’ailleurs planté dans la direction et nous avons du faire plusieurs demis tour avant d’arriver bons derniers tout en étant partis dans les premiers.
Toutes les filles sont entrées en premier dans la salle de la mairie. Puis accueil du maire, repas. On était installées en tables de huit, les filles pilotes ensembles et placées au hasard pour faire connaissance. Contrairement à ce que l’on pourrait croire ou penser par les effets des médias, les filles maghrébines à coté de nous sont des filles qui en veulent, qui veulent réussir dans la compétition et qui se donnent les moyens d’y arriver. Ce ne sont pas les femmes soumises que nous renvoient en image les télévisions. Les maris accompagnent leurs épouses et les jeans/ tee shirts côtoient les voiles et les robes longues.
Certaines femmes sont voilées mais celles ci restent très rares. Les conversations ont tourné sur l’Algérie et les problèmes rencontrés. On sent dans les paroles que c’est un pays qui a énormément souffert mais que ces femmes, ces hommes qui sont là ont envie de tourner la page et de passer à une autre étape.
Stéphane devait axer son reportage sur les femmes musulmanes dans le milieu de la compétition et quand il a commencé à poser quelques questions, les nanas lui ont ri au nez en lui demandant « et les françaises catholiques dans la compétition ? » avant d’expliquer qu’avant d’être musulmanes, elles sont pilotes avant tout et que la religion n’a rien à voir dans la course.
On a eu un peu le temps après de trouver une pellicule photo. Steph m'a raconté un peu les superbes paysages qu'on voyait sur la route, la cote et la mer. Euh, on est passés le long de la mer??? J’ai rien vu de tout ça!! J’avais le nez dans le chrono, les yeux sur la route et les mains sur les freins et l'accélérateur. Les pieds sur les vitesses et le frein et l'esprit dans les calculs. Bon, y'aura les photos et Steph fera son propre CR de SDS où il a eu le temps de regarder les paysages tout en serrant les fesses derrière Medge ! ! !
L’heure du départ de l’après midi approche doucement. Il faut refaire le plein des motos. Nous partons donc à la station essence. Il y a beaucoup de monde sur les routes. Je laisse le guidon de l’africa à Steph et je pars derrière.
Les trois autres filles suivent. Je n’en reviens pas, j’ai fait quasi 100 bornes et je ne mets que l’équivalent de deux euros d’essence. En effet, celle ci n’est vraiment pas chère en Algérie ! ! Ça vaut le coup de rouler là bas. Les pellicules photos ne sont pas chères non plus, ainsi que les cigarettes. Faut dire aussi qu’en guise de prime de départ, si on convertit par rapport à notre salaire moyen en France, on aurait eu l’équivalent de 150 euros. Prime qui nous avait été donnée pour ne pas faire de change, pour faire les pleins et subvenir à nos dépenses personnelles sur place.
Le départ approche. Il faut repartir de la station essence. Juliette est tombée quasiment à l’arrêt avec le 900 bol d’or. Coup de fatigue ? Moto trop lourde? Gravillons et la pente? Heureusement pas de blessée. Stéphane reprend le guidon du bol d’or pour rentrer et s’aperçoit qu’elle ne tourne que sur deux cylindres. Il la ramène comme ça sur la ligne de départ et tente avec Medge de réparer. Impossible.
Juliette est contrainte d’abandonner. Finalement, c’est certainement mieux pour elle car la fatigue se faisait ressentir et elle n’était pas habituée à rouler sur de longues distances. Elle venait juste d’avoir son permis et n’a pas encore sa propre moto. Elle avait juste fait quelques essais avec la moto de son père avant de partir. L’étape de l’après midi aurait certainement été trop difficile aussi pour elle car plus technique, plus longue et plus speed. Elle aura déjà fait celle du matin et pour un jeune permis, il n’y a qu’un mot à dire : bravo. Peu auraient eu ce courage.
6/ Sur la ligne de départ
Les voitures sont toutes en place. Des barrières sont installées sur le bord de la route. Les motos sont là aussi. Quasiment tous les habitants de Cherchell sont derrière les barrières et nous encouragent. Il reste encore une heure avant le départ des premières voitures. Des jus de fruits nous sont offerts par la mairie. Nous avons accès à une petite salle avec toilettes et une petite cour ombragée car la pluie du matin est loin. Le soleil est là et bien présent et on commence à fondre sous le cuir.
Les premières voitures partent. Même principe que le matin avec un départ toute les minutes. Je partirai deux minutes derrière la première moto. Je reste à coté de l’Africa car la BM est tombée elle aussi. Un jeune a voulu essayer et a fait basculer la béquille centrale car la rue était légèrement en pente. Heureusement pas de casse, ni de blessé.
L’impression d’irréalité… je suis là en Algérie sur une ligne de départ d’un rallye avec des gamins et des plus vieux qui connaissent mon prénom, je ne sais comment et qui m’encouragent.
Une journaliste est venue m’interviewer. Elle m’a demandé ce que je pensais du rallye et si je croyais être bien placée. Je n’ai pas voulu m’avancer sur ce coup là et ai répondu que je ne savais pas et qu’on verrait bien aux résultats et à la fin de la deuxième étape. Puis elle m’a demandé si c’était mon premier rallye. J’ai parlé un peu du raid les 1001 pistes que j’avais déjà fait et des rallyes cartographiques en France tout en répondant que c’était effectivement la première fois en rallye de régularité et en Algérie. C’est bizarre de voir quelqu’un qui écrit ce qu’on vient juste de dire. Je ne suis pas du tout habituée à ça.
Moi qui étais partie juste pour une balade, voilà que je me prends au jeu. Je sens que je peux gagner à condition de bien assurer lors de cette étape. Et puis, je n’ai jamais fait de podium en moto du moins lors d’une compétition comme celle là car j’ai quand même une dizaine de coupes moto qui traînent chez moi. Y’en a deux ou j’avais terminé première dans des rallyes cartographiques et les autres viennent de concentres hivernales où j’étais à chaque fois la fille motarde qui venait du plus loin. Si je gagne ce rallye, ça aura beaucoup plus de valeur à mes yeux que les autres coupes, même si on n’est que quatre motos. De toutes façons, on aurait été plus nombreuses, ça aurait été pareil. Dans ces cas là, je n’ai pas de limites, je débranche le neurone « lopette » pour brancher celui « même pas peur »
7/ Cherchell/ Zeralda : étape de l’après midi
La deuxième étape est à faire en 2 heures 10 soit à une vitesse moyenne de 59 kms/h. Elle fait 130 kms 700. Je dois partir à 15h48 pour arriver à 17h58. Les voitures sont déjà presque toutes parties. Il ne reste que les trois motos. On est côte à côte sur la ligne de départ. Les spectateurs applaudissent et nous encouragent par nos prénoms. Sylvie part en premier. Je dois la suivre.
Ca y est, c’est à mon tour. Une minute. Je pars, je ne pars pas. Toujours pas de signe. Faut attendre deux minutes car Juliette n’a pas pris le départ et on garde quand même l’ordre. Des bruits courent sur la ligne de départ. Il y aurait une déviation à prendre du coté de Tipaza mais personne n’a d’informations précises là dessus. J’entends dire que le trajet serait raccourci de 500 mètres, donc les calculs sont à revoir à la baisse ? On verra tout ça sur place. De toutes façons, si c’est comme le matin, la police sera là pour nous indiquer les bonnes directions et le road book ne sert pas à grand chose.
30 secondes et ce sera à moi. Je vérifie tout cette fois et je vais prendre mon temps avant de me lancer comme une sauvage. Le temps de préparer le chrono et le kilométrage. Le compteur kilométrique est à zéro. De ce coté là, tout est nickel. Au lieu d’avoir la main sur l’accélérateur, elle est sur le bouton du trip master prête à le remettre à zéro pour être pile poil dans les temps cette après midi. Il ne faut pas que j’ai plus d’une minute de pénalité à l’arrivée. Et finalement, les quelques secondes perdues au départ se rattraperont très facilement sur la route.
15 secondes et coup d’œil sur le road book. Il est plus facile que celui du matin. C’est beaucoup de tout droit et des longues distances à parcourir avant les changements de direction. J’apprend par cœur mes deux premières lignes : 6kms300 à gauche direction Chenoua/ Tipaza et dans 28kms400 au rond point à gauche direction Tipaza ville. Je verrai en gros dans 29 minutes si y’a problème ou non dans le road book.
Bref regard sur la montre, Ok elle est à l’heure elle aussi. 10.. 5. 4. C’est à moi. Cool. Rester calme et ne pas foncer. 3. 2. 1. 0. Top parti. Pile au zéro, j’appuie sur le chrono. Je vérifie qu’il fonctionne bien et que les secondes commencent déjà à apparaître. Dernière vérif au compteur et gazzzzz. Pas trop vite quand même car on est en ville et malgré les barrières, des jeunes traversent. C’est bon, le compteur enregistre les mètres puis les kilomètres.
Faudra pas oublier non plus qu’il n’est pas étalonné. Va falloir faire mes calculs à l’envers à environ dix bornes de l’arrivée et ce d’après le road book. Bon, avant de penser à l’arrivée, va falloir plutôt assurer car après le virage, me voilà sur une petite route de montagne. Et toujours calée à 60 de moyenne. J’ai commencé à bien piger le système de minutes et de kilomètres.
Medge et Stéphane sont devant juste derrière Sylvie. Ils ne roulent pas très vite. Je crois que les deux copines ont envie de faire le rallye ensembles et les deux mecs vont suivre. La route est défoncée avec pas mal de nids de poules, de trous. Les bas côtés sont en terre battue et en gravillons mais roulants au cas où. C’est une route superbe qui longe la mer avec des belles falaises.
J’ai le temps de voir un peu de bleu superbe dès que les yeux quittent la route, le compteur et le chrono pour quelques minutes. Je n’ai pas le temps de farniente et de me la jouer lopette. La route est encombrée par les voitures et faut doubler si je veux tenir ma moyenne.
Les virolos sont serrés avec parfois des petites épingles, du moins ça y ressemble pour moi venant du grand nord où les routes sont plates et droites. Les autres motos se traînent. Faut dire que l’état de la route n’aide pas non plus.
Pour ma part, je suis plutôt sur mon terrain de jeu car même avec l’intruder, ça m’arrive de faire du tout terrain. Et l’Africa finalement est une bonne moto pour ce style de route. Elle adhère bien ou alors je ne sens pas la glisse.
Stéphane est devant pour prendre les photos. Je ne vais pas rester avec les filles. Je balance un coup de klaxon pour dire aux autres que je double et que je me casse en solo. Stéphane a compris le message. Puis je trace pour récupérer mes minutes de retard. Y’a pas trop le choix. Va falloir doubler toutes les bagnoles qui sont du coté droit et en passant entre celles qui sont sur le coté gauche. Ca doit ressembler aux inters files des parisiens ou au périph de Lille comme conduite. Et tout ça à une vitesse de quasiment 80 à 90 kms/h. je ne m’emmerde pas à ralentir ou à freiner. Je reste sur la file du milieu le doigt appuyé sur le klaxon.
Les caisses devant se décalent légèrement sur le coté et me laissent un passage. On a l’avantage d’avoir toutes les voitures du rallye qui sont parties avant et les touristes sont au courant qu’un rallye passe par là. Ca aide pas mal quand même.
Un superbe virage sans visibilité. Heureusement que je n’avais pas de voiture à doubler à ce moment là car j’ai eu juste le temps de voir face à moi une voiture verte. Elle doublait dans l’autre sens. De 80, je suis passée vite fait à même pas 40, main et pied sur le frein, puis j’ai bifurqué carrément dans le bas coté pour laisser la caisse à l’endroit où j’étais quelques secondes avant. Même pas eu le temps de regarder l’état de la route, ça passe ou ça ne passe pas mais je ne pouvais pas rester sur le macadam.
Y’avait pas la place pour deux… Un coup d’accélérateur qui a envoyé valser quelques gravillons et je suis repartie sur le goudron, sueur dans le casque et cœur qui battait la chamade. Ne pas y penser et rouler. Continuer sur mon rythme d’enfer. Et en plus, j’ai rattrapé toutes les minutes. Je peux maintenant ralentir et rouler à 60 de moyenne. J’ai maintenant le temps d’observer un peu le paysage avec une impression de me traîner à une allure de lopette. Si y’a un contrôle secret qui doit départager tout le monde, c’est là qui devrait être. Manque de bol pour moi, il était plus loin.
Tipaza. Là où il doit y avoir des erreurs ou plutôt une déviation. Gagné ! ! J’arrive au rond point et je ne peux pas tourner à gauche. Je pars donc tout droit. Et au croisement suivant encore tout droit. Y’avait personne pour indiquer la bonne direction, donc j’ai supposé comme dans les rallyes cartos qu’il ne fallait pas tourner. J’arrive je ne sais trop où. La route qui n’a plus l’air d’être une route, des gamins qui jouent au foot au milieu. On devait aller au centre ville.
J’ai du me planter quelque part et déjà trois minutes de perdues sur mon temps. Je crise. Fait chier. Va encore falloir rouler comme une brute pour rattraper tout ça et si y’a encore des routes de montagne ou de la ville, ça ne va pas être de la tarte ! ! ! Pas d’autre solution que de faire demi tour et d’essayer de repartir au croisement précédent demander où sont passées les voitures du rallye.
Je suis arrivée très speed à ce croisement. Je vois un jeune, j’arrête au milieu de la route et demande. Au même moment, Medge, Stéphane et les deux filles qui arrivent et me font signe que c’est sur la gauche. Ok, je suis tout en repensant à la fable du lièvre et de la tortue. Va falloir que je me repère à nouveau dans mon road book. Je regarde. Je dois trouver un rond point avec une direction Alger tout droit ou ailleurs vu la déviation. Puis à droite direction Sidi Rached à 33 kms et au stop à gauche direction Attaba à 39kms500.
C’est bon, voilà le rond point, puis la route à gauche. Je peux maintenant me concentrer sur le temps, le kilométrage et mon road book. J’ai fait quatre bornes de plus et le compteur pas étalonné. Ca ne va pas être facile de prendre en compte tous les éléments. Le seul moyen est de garder 1 kilomètre pour une minute et de rectifier le tir à l’arrivée. Ça ne va pas être facile. Y’a le cerveau qui est en ébullition. Y’a mieux encore. Le road book est nickel et son kilométrage aussi. Je ne vais plus m’occuper de mon compteur mais simplement des distances notées sur le papier et de mon chrono. Je dois donc arriver au stop à 40 minutes sur le chrono et me caler correctement tous les dix kilomètres tout en gardant la vitesse moyenne à 60.
Pour le moment, va falloir speeder pour rattraper le temps perdu dans mon plantage de direction. Les deux autres filles sont sur leur terrain de jeu cette fois. Des routes avec des grands virages et un macadam hyper lisse. Elles partent en tête et je les suis. On double pas mal de monde et parfois à plus de 130 kms/h sur des départementales où finalement y’a pas grand monde.
Après Attaba, il faut tourner à droite au rond point et 4 bornes plus tard à gauche au stop. J’enregistre rapidement les infos au fur et à mesure. On n’y est pas encore mais les filles vont trop vite et les minutes sont OK. Je reste à l’arrière et me cale maintenant à 60. Heureusement pour moi car je suis passée au contrôle secret juste avec 9 secondes de retard, Sylvie avec 1mn14 de retard et Pascale avec 1mn45 d’avance et donc de pénalités.
A partir de ce moment là, je me fais le rallye sans m’occuper des autres. Les filles préfèrent rouler à donf et se faire des pauses clops dès qu’elles ont trop d’avance. De mon coté, je préfère assurer sur tout le trajet et surtout en prévision des contrôles car ça va jouer pour le classement. On a fini les routes de montagne. Maintenant, c’est du roulant, des villages et des départementales. Le plus dur est passé.
Finalement, c’est dur de tenir une moyenne de 60. J’ai tendance à être trop rapide, puis m’en apercevoir et ralentir. Et le deuxième contrôle secret, j’avais beaucoup trop d’avance. Les deux autres filles aussi et on s’est toutes tapé des pénalités : moi : 2mns16, Sylvie : 2mns 47 et Pascale : 5mns44 aux environs du 110ième kilomètre. Le contrôle devait être juste avant l’entrée d’autoroute du km 112.
Sortie de l’autoroute deux kilomètres après. Il en reste encore 15 à faire. Je suis tranquille une caisse du rallye. Si elle est devant moi au ralenti, c’est que je vais vraiment trop vite. Il me reste 15 bornes à faire, soit 15 minutes. A partir de maintenant, je décompte les kilomètres et j’ajoute les minutes. Un peu compliqué mais je m’en sors quand même. A la sortie, je vois sur le coté, les filles et les deux mecs en train de fumer une clope. Coup d’œil rapide, pas l’air d’avoir de la casse ou de chute et dans tous les cas, elles ne sont pas seules.
La police n’est plus là pour nous indiquer la route et bloquer celles ci. L’idéal aurait été de suivre l’un des organisateurs mais je préférais le faire moi même. Et de toutes façons, on se suivait quasiment tous sur la fin. J’étais entre deux voitures, celles de l’assistance médicale et celle de deux concurrentes
124 Kms ; le stop à droite. Il me reste 6 bornes et 6 minutes. A partir de là, je me bloque à 60, et décompte un kilomètre pour une minute. Mon compteur kilométrique est déjà de toutes façons à plus de 130 et ne correspond pas à la réalité.
128 kms 600, il m’en reste deux à faire et juste deux minutes sur le chrono. Ca va être nickel pour l’arrivée de l’après midi. C’est bizarre.. Sylvie n’est toujours pas là et elle aurait du arriver à l’instant.
130 kms 700, l’arrivée et juste 45 secondes de pénalités. Je continue la route et me gare à coté de Malik. Celui ci me félicite d’avoir fait le rallye solo et me demande où sont les autres. J’explique les avoir vues il y a une quinzaine de bornes. On attend en s’inquiétant un peu tout de même avant de les voir arriver avec quasiment 12 et 9 minutes de pénalités. Elles avaient mal calculé l’horaire d’arrivée et pensaient que c’était moi qui étais trop en avance. Finalement, cela n’aurait rien changé aux résultats même si elles étaient arrivées avec zéro de pénalités. Je les grillais au niveau de l’étape du matin et des contrôles secrets.
Je ne savais pas encore les résultats mais j’étais quasiment sûre d’être première pour mon premier rallye de régularité… L’attente va être longue car les résultats ne seront que le lendemain.
8/ la soirée
Nous avons juste eu le temps de rentrer, refaire un plein, remercier les pilotes algériens pour le prêt des motos, leur rendre les clés, prendre rendez vous pour le lendemain, nous changer et filer au restaurant, où les organisateurs nous avaient réservé une grande table afin de déguster le couscous.
D/ Vendredi 21 mai 2004 : résultats
1/ La journée
Le réveil a été difficile. Les résultats ne sont pas encore connus. C’est l’attente mais les jeux sont faits. Il est trop tard pour revenir en arrière. Nous sommes partis visiter un peu Alger, ville magnifique avec des monuments superbes. Nous avons pris énormément de photos de la casba.
L’après midi, nous sommes allés voir un salon du tourisme. Tout était organisé par nos hôtes qui voulaient que l’on garde un merveilleux souvenir de ce pays encore peu ouvert aux touristes. Un historien célèbre nous a raconté l’histoire du pays.
Et Steph qui n’a pas arrêté de me charrier en me disant qu’il connaissait déjà les résultats mais ne me dirait rien. Grrrr.
2/ Les discours
Ça y est. Il est 16 heures. Nous sommes dans la salle où la remise des prix se fera. Les tables sont déjà installées avec des pâtisseries, des boissons. Des petits groupes se forment et on attend. Les personnalités arrivent les unes après les autres et s’installent à une grande table. Les journalistes, les photographes et la télévision sont présents eux aussi.
Un brouhaha dans la salle. Que se passe-t-il ? C’est l’arrivée de deux ministres, celui de la jeunesse et celui des sports. La soirée peut commencer. Toutes les personnalités sont là. Avec Steph, on se regarde, l’impression d’être dans un monde qui n’est pas le notre, et pourtant, on est là ; assis à deux pas de toutes ces personnes. Je commence à flipper grave.
On écoute les discours. On retient que l’Algérie est un pays qui veut maintenant s’ouvrir au monde, qu’il est super que des nanas s’investissent autant pour l’organisation d’une course comme le rallye des colombes. La présidente est félicitée pour le boulot et son investissement.
2/ La remise des prix
C’est parti. Les pilotes des voitures sont appelées une par une et montent sur le podium. C’est l’ovation pour cette première équipe algérienne. Elles seront sponsorisées pour d’autres rallyes. L’équipe tunisienne pourra également partir avec les sponsors sur les raids africains. On est heureux pour elles.
C’est le tour des motardes. Je ne veux pas écouter. La timidité sans doute. Il y a trop de monde. C’est mon nom qui est cité en premier. Je suis arrivée la première en moto. Steph me pousse. Je dois y aller. Il est fier. Moi, je plane. Il faut traverser la salle sous tous les regards, monter sur le podium. Les appareils photos crépitent. Je ne vois que des flashs. Je ne sais pas comment me mettre, ni ce que je dois faire. Faire la bise en recevant la coupe, serrer les mains, sourire. Les deux autres filles sont elles aussi appelées et montent sur les autres marches. On se fait la bise, on se félicite chacune.
Puis, la descente. Je veux me précipiter vers Steph mais je suis arrêtée par les journalistes. Trois interviews en même temps. Je ne sais plus où donner de la tête. Y’a la télévision qui arrive aussi. Je dois parler dans le micro pour la chaîne Algesiras qui fait un reportage d’une demi heure sur le rallye. Des journaux nationaux sont là aussi. Je ne m’attendais pas à tout ça avant de partir et de me lancer dans cette aventure. J’ai l’impression d’être sur un nuage, de dire des banalités. Je me trouve nulle.
Enfin, je retrouve un peu de calme et mon pote Steph qui n’en croit pas ses yeux non plus. Je regarde ma coupe sans trop y croire. Je récupère la fiche des résultats. Mes temps sont excellents et même si les nanas n’avaient pas raté l’arrivée de l’aprèm et étaient pile dans les temps, j’aurais quand même été première. Je suis cinquième au général mais c’est quand même plus facile en moto. On peut plus facilement doubler. J’ai réussi. J’avais juré aux potes que je me donnerai à fond pour être première. Je peux rentrer en France sans me faire charrier. Pour moi, c’était plus un défi personnel. Je voulais arrêter la moto et faire un dernier rallye avant.
4/ La soirée
On a eu droit à une soirée géniale, des danses des différentes régions d’Algérie. Un spectacle magnifique. On s’est retrouvés à discuter avec un champion de rallye raid, l’un des dix meilleurs mondiaux, qui ne vit que de sa passion. C’est lui qui s’occupait des filles tunisiennes. On entend parler des grands noms de pilotes, des écuries connues. Steph et moi, on se regarde. Pas besoin de parler pour se comprendre. On n’imaginait jamais se retrouver là, tous les deux assis à une table avec des pros. J’étais heureuse de le voir à mes cotés, lui qui est fan de courses et court en promo sport. Je ne pouvais rêver mieux comme accompagnateur.
E/ Samedi 22 mai 2004 : le retour
1/ Terrain de cross
L’équipe nationale de moto cross nous a emmenés le matin sur leur terrain de jeu. Des KTM toutes neuves. Et les mecs tournent comme des furieux. Le sable ne leur fait pas peur. Ils font des sauts magnifiques et nous admirons la maîtrise qu’ils ont de leurs engins.. Steph a eu une moto à prêter et tente le tour du terrain. On n’a que peu de temps et je préfère que ce soit lui qui en profite même si ça me démangeais de rouler aussi en TT.
2/ Le retour
Nous avons repris l’avion en fin de matinée pour une arrivée en début d’après midi à Lyon. Puis récupération de l’intruder et la route jusque Soissons où un hôtel et mon association de motards m’attendait. On devait faire l’encadrement du semi marathon. Je suis arrivée juste avant la nuit et Fuckati, mon meilleur ami avait déjà anticipé le champagne !!!
Article
moto mag juillet 2004