Débuts en moto

Dans les années 80


Pourquoi encore cette passion de la moto qui est là et qui ne m’a pas quittée depuis maintenant plus de vingt années ?


Pour mes débuts de motarde, il faut revenir à plus de 20 ans en arrière au moment où on commençait à parler du Paris Dakar de Thierry Sabine, de pilotes tels que Rougerie, Pons, Léon, Spencer et les autres dont j'ai oublié les noms.. Epoque où le salon de Pecquencourt et l'enduro du Touquet n'avaient pas encore une telle emprise médiatique..., l'époque où chaque village avait son bar de motards et son moto club avec des concentres


J'avais un cousin qui avait son 125 XLS et déjà a 13 ans ma première balade moto puis la passion, le regard qui se tournait chaque fois que j'entendais le vrombissement des machines de ce temps là... les balades à pieds avec la cousine et un petit signe chaque fois que l'on voyait un motard et quelle fierté quand celui ci nous répondait!!!


Puis les mobs les 50 déjà à vitesses comme les fantic, les malagutttis et les premières armes sur ces trucs là. 16 ans, les colos pour gagner un peu de fric et acheter enfin mon 50 DTLC avec lequel j'allais au lycée... Peu d'argent de poche. On siphonnait les voitures pour rouler... Facile avec les bouchons ou y'avait même pas d'antivol!!!! Le goût de l'essence dans la bouche, beurk!!! Je n’étais pas très douée pour faire ça au début !!! On se déplaçait à une cinquantaine avec nos 50CC, les mobs chopper et autres trucs qu'on n'imaginerait même pas maintenant, tout ça pour aller voir des motos cross. Les expéditions en Belgique pour des courses plus grandes avec le largage des passagers avant la frontière pour ne pas se faire griller!!! On les récupérait plus loin....




17 ans et boulot à nouveau l'été, synonyme d’économies grâce à des petits boulots dans l’espoir du jour des 18 ans et du passage du permis gros cube… 18 ans, toujours avec le 50, direction la moto école sans rien dire aux parents.. « Je viens m'inscrire pour le A3 »… Un an  pour avoir ce petit papier rose car je n'y allais que quand j'arrivais à avoir 100 balles en poche pour une leçon!!! Et tout ça en dehors de la famille car ils n'en savaient rien!!! Pour eux, j'allais au ciné mais je partais en stop avec le casque dans le sac à dos... et j'allais rouler l'après midi, m'entraîner à passer entre les cônes, faire ce foutu trèfle, passer sur la planche, freiner à la première planche sans faire tomber la deuxième et faire des chronos sur le rapide!!!


L'enduro du Touquet et toujours pas de permis ni de moto... Le 50 enfermé pour ne pas que je parte là bas avec. J’ai donc dit aux parents que je dormais chez une copine et qu'on partait à l'enduro avec ses parents très tôt le matin. Et me voilà sur la route le samedi en début d'après midi casque à la main pour 150 bornes à
faire. 30 bornes en voiture en stop pour partir le plus vite possible du village où je risquais de me faire repérer...


J'étais sur la route Douai Arras avec mes baskets et une veste en jean, un gros pull et des gants même pas d'hiver, un casque trouvé d'occasion dans une brocante, le pouce levé avec l'espoir que pas une voiture ne s'arrête, le casque bien en évidence!!! J'entends un bruit de moto.. Un espoir fou.  C'était une grosse moto et je n'avais jamais été SDS... La bécane ralentit et stoppe à coté de moi...  Une 900 bol d'or et un motard barbu, vieux barbour qui me demande si je vais à l'enduro...


J'osais à peine dire que j'allais là bas tellement j'étais à mater sa moto, à me dire qu'enfin j'allais faire ma première longue route, que j'allais enfin connaître tout ce qui se cachait derrière ces casques, vivre un rassemblement coté deux roues... je suis allée derrière, je n’étais pas trop équipée, j'avais froid, on allait vite, la vitesse me grisait, le top!!!


On s'est arrêtés dans un bar sur la route boire un café, des motos partout, des mecs qui ne se connaissaient pas mais se saluaient et parlaient de leurs mécanique, je ne savais plus où donner de la tête tellement les motos étaient
nombreuses!!! J'ai enfin vu la tête de mon pilote et on a discuté... Je lui ai parlé de mes rêves et lui m'a raconté ses virées le Tourist Trophy les concentres; les éléphants... Tout ce monde encore inconnu mais que je rêvais de connaître un jour!!!


Comme un grand frère, il m'a engueulée car je pouvais tomber sur n'importe qui mais que j'avais eu de la chance car il allait rester avec moi le WE complet et me faire découvrir l'ambiance de la course. Un passionné qui avait juste compris que la gamine que j’étais allait faire du chemin et qu'il fallait juste un
coup de pouce pour la remettre sur la bonne route...


Arrivée à l'enduro, des motos partout. On avait un peu traîné dans les rues le soir, rencontré du monde. On a retrouvé ses potes sur place et je me suis sentie dans mon élément. C'est là que j'ai beaucoup appris sur la moto, la vie des motards, la passion, la solidarité.


La nuit autour d'un méga feu de camp dans les dunes, on avait démonté des palissades comme ça se faisait à ce moment là. .. Et on les a cramées... un motard avait emmené sa gratte et nous jouait du blues et du rock.  J’ai entendu des tas de récits de voyages. J’'ai pu entendre parler des pilotes connus, des marques de motos... Je buvais littéralement leurs paroles.


Puis la course le lendemain, on était coté plage, les motos nous passaient à ras des yeux, de tous cotés... on est allés dans les dunes, j'ai vu les galères, les motos ensablées; les pros, les poireaux. C’est là que je me suis dit qu’un jour, moi aussi, je ferai de l’enduro, de la piste, des raids…



Puis le retour, toujours avec mon pilote qui m'a déposée au coin de ma rue en me faisant promettre de ne plus faire de stop car ça pouvait être dangereux.  Il m'a dit de passer avec ma 50 dans leur bar dès que j'avais une heure de pause au lycée. Je séchais pas mal de cours à cette époque. J’avais déjà redoublé la première et la terminale. Les cours ne m’intéressaient pas. Je m’ennuyais et rêvais de grands espaces, de boulot à l’étranger. Je faisais plutôt conneries sur conneries avec les bandes de copains, pas tous fréquentables mais aussi paumés que moi. On se cherchait tout en dépassant toutes les limites.


Il m'a emmenée à moto à chaque bonne note... et m'avait promis Spa dès l'obtention du bac en accord avec les parents qui étaient dépassés et finalement heureux que j’ai pu trouver ma voie, même si ce n’était pas la vie qu’ils m’avaient imaginée...




Grâce à lui, j'ai eu le bac et même avec mention!! J’avais tellement peur de rater cette sortie !!!

Entre temps, j'avais eu le permis et 1000 balles en poche, je cherchais une occasion. Une 400 four, le mec s'en débarrassait pour le prix que j'avais. J’étais allée la voir seule; elle était belle pour moi. C'était ma première. Elle tournait bien... Je me foutais de son réservoir cabossé, j'avais ma moto!!! J’ai filé le fric en liquide et j'ai mis le casque... Mes premiers kilomètres sur ma moto... J'ai pousse des pointes à plus de 100 sur nationales. J'avais ma moto mais pas d'assurance et les parents pas au courant!!


Galère!! Où vais je la mettre!!! Je suis donc allée au café des motards, toute fière de leur montrer que moi aussi j'étais des leurs. Ils ont regardé la moto. Ils s'y connaissaient en mécanique... Le moteur était bon mais la moto avait déjà chuté la fourche avait été tordue et réchauffée.  Pour le prix, je ne pouvais de toutes façons pas trouver mieux!!! Et je n’avais pas la tune pour l'assurer!! Ils m'ont donc trouvé une planque et je roulais avec eux... Un devant et demi tour dès qu'on voyait un képi…


J'ai roulé quelques mois comme ça avant de me faire griller par les parents.. Un pote qui devait s'occuper du certif de non gage a téléphoné chez mes parents et le pot aux roses a été découvert... La méga engueulade, la moto rapatriée, enfermée à double tour, trois antivols dessus et les clés confisquées sous cadenas... Et à nouveau deux ans sans moto à finir les études, trouver un job et dix jours après le rachat d'un 400 XLS assurée cette fois.


Christian. Ça fait maintenant 30 ans qu'on se connaît, il a été un ami, un grand frère, a dépassé à ce jour le demi siècle mais roule toujours. Il a su m'empêcher de faire des conneries, a su me faire patienter le temps d'avoir le permis et de pouvoir rouler sur ma bécane à moi toute seule. Il m'a présenté ses amis, m'a emmenée partout et me prêtait même ses motos et surtout m'a donné la passion de la route et des rencontres, la passion de la moto et de tout ce qui tourne autour de cet engin magique...  


Une belle amitié qui durera toujours.... et qui m’a donnée envie moi aussi de sortir des jeunes de leur merde grâce à la moto, de les aider à s’en tirer, à se trouver un but dans la vie même quand on la voit en noir à 16 ans..


Pour les âmes perdues qui titubent dans les années 90, la moto est l'un des rares moyens de maîtriser la vie quelques instants

[Paul Peczon]
Extrait de Book Review of Speed Tribes